Une semaine passée à Nouméa s'est conclue par Noël chez les cousins Bouniatian dans une ambiance ultra-chaleureuse malgré une pluie diluvienne.On se plaît plus que bien dans cette crèche familiale où l'on revient régulièrement pour se refaire une santé après les semaines de camping...Chez eux, c'est le luxe, on joue au poker avec des vrais jetons !!! On est toujours accueillis comme des rois et en plus les jeunes cousins partagent leurs jeux! O joie!!! Merci à nos chers hôtes +++
La messe du matin de Noël se fait dans une petite église de la tribu locale réunissant une centaine d'âmes.Tout le monde chante avec engouement produisant une polyphonie à faire pâlir de jalousie le Corse de passage...Nous tombons sous le charme de cette explosion de foi qui ferait sans doute rêver nombre de prêtres métropolitains....
Le lendemain, départ pour Lifou (une des îles Loyauté appartenant à la Nouvelle-Calédonie).On se prépare mentalement pour 18 heures de traversée à bord du Havannah.Ce cargo d'une cinquantaine de mètres est plein à craquer de fret et de 180 passagers (à 99% kanaks) rentrant chez eux (Mare ou Lifou) ou allant voir la famille pour les fêtes de fin d'année.
Malgré son nom, le bateau ne tolère ni substance enfumante, ni liquides enivrants comme le martèle l'hôtesse après la fouille minutieuse des sacs-je cite:"Nous, on ne sait pas boire une bière pour se rafraîchir, c'est tout de suite le carton qui y passe...alors , pas de çà à bord". Sur la plupart du territoire, l'alcool est interdit à la vente le week end, voire dans certaines zones des quotas par habitant sont fixés!
Chaque famille a emmené sur le bateau sa natte sur laquelle on somnole, on se nourrit, on vomit parfois.Les conversations se nouent et on s'échange des petits jus....non alcoolisés.En dépit d'une grosse houle, on arrive à Lifou comme prévu contrairement aux passagers de Mare qui mettront 36 heures pour achever leur voyage sans que personne ne bronche à bord.
Accueillis par les cousins Seydoux,on se rend dans la tribu de Jeanne, notre point de chute pour la semaine.Jeanne , notre hôte, est une grand-mère kanake un peu bourrue au départ.Elle vit dans une maison au milieu d'une basse -cour, de chiens et de porcelets fraîchement venus au monde qui coursent les enfants.
La plage est en contrebas, superbe, blanche comme de la farine.
Titouan et Malo se sont joints à leurs trois cousines pour dormir sous la case et affronter ensemble les bruits nocturnes:"tchks tchks":une souris???? Non, juste un petit crabe des cocotiers faisant des allers-retours entre les matelas.Quelques compagnons inattendus s'invitent aussi à la fête (lombrics, cafards et ...mosquitos).Prudents, nous avons pressenti le danger et avons opté pour la tente qui s'avère bien étanche aux petites bestioles.Nos seuls tourments nocturnes sont les chauve-souris (roussette) qui viennent dévorer les mangues et balancer leurs noyaux sur notre toile.Un plus gros boum signe une chute de noix de coco mais notre superbe tente tient le coup!
Monique, d'une tribu voisine, nous emmène sous terre par des chemins secrets pour découvrir les joyaux de l'île, gruyère de calcaire où d'énormes vasques avec plongeoir intégré font le bonheur de tous.Sensation spéléo au rendez-vous!
Il serait très malvenu voir condamnable d'aller dans ces lieux sans "guide" car ici règne l'autorité coutumière.On ne marche pas sur un chemin sans en avoir demandé l' accord à un membre ou au chef de la tribu.Celui-ci gère la majorité des conflits et petits délits et fait sa propre justice au sein de sa tribu.Oubliés le camping sauvage et la cueillette des papayes au bord des sentiers...Cette loi coutumière maintient quand même d'une certaine façon la cohésion et l'ordre sur la calédonie rurale, bien qu'en contradiction en bien des points avec notre mode de pensée et de fonctionnement métropolitains.Les relations entre kanaks, caldoches et z'oreilles sont trop compliquées pour prétendre avoir tout compris en quelques semaines mais en tout cas, ce n'est vraiment pas toujours l' amour entre eux!
On poursuit notre exploration de Lifou du côté maritime pour accéder à de magnifiques spots de snorkelling et à des petites falaises où cousins et cousines rivalisent de courage pour surmonter la peur du vide.Nos séances de sauts attirent des kanaks plus zélés qui nous font une démonstration de haute voltige, digne de la patrouille de France...
On passe en 2012 sur une plage paradisiaque en dégustant des crevettes grillées au feu de bois accompagnées d'une salade tahitienne.Le champagne coule à flots dans nos verres en plastique, mais sûrement pas autant que chez les habitants de Lifou;elles sont loin les parties de foot et de cricket des jours précédents où hommes et femmes de tous âges débordaient d'énergie positive.Pour eux, c'est parti pour plusieurs jours de beuverie illustrant en pratique le grand fléau calédonien....Le premier janvier s'offre à nous un spectacle de guerre qui se réitérera tous les matins suivants:des épaves humaines disposées çà et là, dans l'herbe ou dans le sable quand ce n'est pas à moitié dans l'eau, comatent au sens propre du terme jusqu'à une heure avancée de la journée.
Cette ambiance alcoolisée n'est pas très rassurante quand on sait que les locaux s'adonnent tous les soirs avec passion au lancer de feux d'artifice, ponctués régulièrement de coups de carabine (festifs???). On s'impose donc un couvre-feu à la tombée de la nuit sous le faré (abri) de Jeanne où le bruit des jetons de poker improvisés nous maintiennent dans une ambiance western.
Nous quittons Lifou avec le Havannah après 36 heures de pluie torrentielle ininterrompue, non sans avoir goûté une dernière fois au plaisir de surfer la vaguelette.On gardera de cette île des images de petit coin de paradis et d'une faune sous-marine nous projetant dans le monde de Némo...